EmbrunMan 2021
Sommet sportif
- 15 aout 2021
Embrunman – Le Mythe – Triathlon XXL – Embrun – Hautes Alpes – France
L’un des plus dur du monde en Ironman avec son parcours vélo et l’IZOARD. - L’Embrunman, c’est le défi qui m’a tant fait rêver depuis des années et celui que je voulais faire absolument. Je pense que je n’ai jamais été autant obsédée par une course que par celle-ci. J’ai regardé tous les reportages dessus, je me suis abonnée aux pages sur les réseaux pour suivre les actualités. J’ai demandé également des conseils à certains qui l’avait déjà réalisé.L’Embrunman c’était mon défi qui me prenait aux tripes. Je vivais, respirais et mangeais Embrun depuis ce fameux 5 janvier ou j’avais su que je pouvais reprendre les compétitions à partir du 19 juillet. Je m’y étais engagée le soir même et en avait fait mon objectif n°1 pour l’année.La semaine aux Orres avec Vincent m’avait permis de finaliser la préparation, de repérer les parcours et faire corps avec la compétition. Mes parents et deux de mes neveux étaient venus pour passer la semaine de la course avec moi, six jours d’affûtage du lundi au samedi, veille de la course, durant laquelle seule une petite dizaine d’heures avec un petit rappel d’intensité étaient au programme mais les sensations étaient bonnes, je sentais que j’avais de la force et j’étais prête à en découdre. Il faisait particulièrement chaud et je sais que bien préparée j’adore la chaleur et que mon organisme en souffrira bien moins que nombre de mes concurrentes. Des amis Marc et Pauline qui étaient en vacances dans les Alpes avaient fait également le déplacement avec Lois, leur fils de deux ans, pour venir m’encourager.
J’avais récupéré mon dossard 2 jours avant, le n°79. Ça y est l’événement approche. La veille de l’épreuve, nous devons déposer les vélos et affaires à notre box car le lendemain le départ est prévu à 6 heures. Le parc à vélo est immense. Je repère attentivement mon placement de vélo orange, « Casimir ». Certes il flashe mais bon pas sûr que je le remarque plus même si je sais qu’il ne restera pas tant de vélos quand je sortirai de la natation qui n’est pas mon point fort. C’était mon premier Ironman mais dire que je ne venais pas avec de l’ambition serait mentir. Je suis compétitrice et secrètement j’espérais un top 5 voir plus si affinités. En comparant aux résultats des années passées et mes performances actuelles, je savais que c’était atteignable. J’avais travaillé pour, je savais que j’étais bien. Le seul vrai point d’interrogation était de savoir comment je passerai les 3800 mètres de natation. Je n’avais pas éprouvé de bonnes sensations dans ce lac et c’est vrai que je faisais régulièrement sauter des séances de natation, à contrario des séances de course à pied et vélo. J’avais vu que si je me plaçais bien les 5 premières étaient récompensées le lendemain. Mais avant cela il y a 3,8km de natation, 188km de vélo avec l’Izoard et un total de 4000 mètres de dénivelé et un marathon de 42,195km de course à pied à faire.
La nuit avant le départ fut quasiment blanche. L’excitation était palpable. Le réveil était programmé à 3 heures afin de manger un peu puis de nous rendre sur le lieu du départ vers 4h30 afin que mes parents puissent se garer car 1000 concurrents avec familles et amis cela représente pas mal de monde. Mes neveux sont à bloc derrière moi. Ils se sont tatoués au feutre mon numéro de dossards sur leurs bras et des « allez Mamadou », mon surnom hérité de l’adolescence sur une pierre et des pancartes. Je suis heureuse qu’ils partagent l’évènement avec moi et mes parents et surtout de les voir heureux. J’avais donné quelques détails à mes parents en leur disant que j’espérais sortir de l’eau en 1h20 et leur avait expliqué qu’ils ne pourraient certainement pas me voir sur la première boucle de vélo mais qu’ensuite la circulation n’étant pas coupée dans le sens du parcours, ils pourraient m’encourager notamment sur les pentes de l’Izoard afin que cela soit plus attrayant pour eux et mes neveux et que j’ai leur soutien au maximum. Marc, Pauline et leur fils nous rejoindraient sur le parcours vélo afin de dormir un peu plus surtout pour leur fils car la journée allait durer.
Après un morceau de Gatosport®, un aliment spécial pré-effort et avoir mis de la crème pour éviter les brûlures ou ampoules, nous prenons la direction du plan d’eau avec mes neveux et mes parents. J’ai la boule au ventre mais elle est plutôt positive. Je repense au parcours natation, au vélo, à la course à pied, aux détails pour éviter de prendre une pénalité également. Quand j’arrive au parc à vélo je fais un dernier bisou à mes parents et neveux. Malheureusement avec le Covid nous sommes placés derrière des barrières et ils n’ont même pas le droit d’entrer en contact avec nous et devront attendre plus loin le départ. Ce parquage est un peu dommage mais c’est déjà une chance que la course ait lieu et il faut s’adapter. Je suis dans les premières au parc à vélo, cela fait partie de mes habitudes et m’enlève du stress. De toutes façon je serais en train de tourner en rond dans l’appartement si je n’étais pas déjà sur place. Je mets les derniers préparatifs dans mon box avec le placement des chaussures, chaussettes, barres, gels tout en discutant avec Vincent, Merryl et ma famille par texto afin de faire passer la pression. Le parc à vélo commence à se remplir au fur et à mesure. 5h15, il est temps de mettre la combinaison car le départ est prévu pour notre vague à 5h45.Avec le covid il y a 3 vagues espacées de 7 minutes chacune. Durant ce temps je discute avec les filles d’à côté leur demandant si c’est leur premier Ironman, en combien de temps elles pensent nager. Ces échangent permettent d’évacuer le stress et de me rassurer car je vois que certaines vont nager dans les mêmes temps que moi. Je savais qu’une fois sortie de l’eau je serai soulagée et dans mon élément. Quand je m’étais inscrite à Embrun en janvier, je n’étais pas licenciée au club de Châteauroux que j’avais rejoint au printemps et comme les dossards étaient distribués des professionnels aux non licenciés, j’étais avec des filles qui n’avaient pas de référence, aucune d’entre elles n’avaient entendu parler de mon histoire et c’était tant mieux. Nous attendons chacune sur nos chaises afin que les arbitres nous donnent le signal pour rejoindre la plage après un dernier message à mon entourage.
Il fait noir, nous apercevons les kayaks au bord de l’eau avec leur lumière. Je repense alors au conseil d’Alexandra Tondeur, triathlète professionnelle avec laquelle j’avais plusieurs fois échangé, les premiers se guident grâce au kayak. Néanmoins je sais très bien que je ne serai pas dans les meilleures et je devrai suivre les bonnets des autres en espérant qu’ils fassent le moins de distance possible. Le speaker essaie de mettre l’ambiance malgré l’éloignement des spectateurs. Il nous demande de taper dans les mains et de crier avant le départ. Je tape dans les mains malgré ma boule au ventre qui m’anime car je me demande à ce moment si je vais réussir à passer les 3,8 km de nage, même si je sais que je n’abandonnerai pas. J’espère juste nager correctement et sortir de l’eau le plus rapidement possible. Je regarde ma montre il est 5h50. Nous devrions déjà être parties mais le speaker cherche l’organisateur Gerald Iacono pour donner le départ. Les minutes défilent. Au final le départ n’est donné qu’à 6h. Dans ma vague, d’environ 300 à 350 athlètes, il y a toutes les féminines et les hommes « masters ». Je cours dans l’eau prise par l’excitation et commence à crawler puis très vite je suis prise d’une crise de panique due à l’essoufflement, au fait de nager dans le noir entourée d’une foule dense, brassée dans le bouillon et sûrement partie trop vite. Nager autour d’autres triathlètes est quelque chose. On se croirait dans une machine à laver. On prend des coups de pied, de bras, certains se montent dessus. C’est assez chaotique. Je décide alors de me calmer du mieux que je peux en me stoppant tout d’abord quelques secondes pour essayer de respirer puis de faire de la brasse en attendant que toute ma vague passe et de pouvoir nager seule. Je décide de me mettre sur un côté pour me retrouver plus au calme avant l’arrivée des deuxièmes et troisièmes vagues. Après 200 ou 300 mètres, je me pousse à reprendre le crawl en me disant que je ne peux pas faire de la brasse durant toute la distance. Je sais très bien que je vais perdre beaucoup de temps dans l’eau mais moins je perdrai de temps, plus je pourrai m’exprimer dans les deux disciplines restantes. Petit à petit je trouve mon rythme et suis les bonnets devant moi. Nous avons deux tours à réaliser dans ce lac de Serre-Ponçon. Je rattrape quelques triathlètes mais les athlètes partis dans les vagues suivantes commencent aussi à me doubler. J’essaye de prendre bouée après bouée en m’encourageant au maximum et en essayant de positiver « c’est bien tu en es à la moitié du 1er tour ; la bouée approche … » le premier tour est fini mais il en reste encore un. Au final les 3800 mètres me paraissent bien longs mais bon je fais du triathlon donc la natation fait partie du jeu. Je sors de l’eau en 1h20, le bon pronostic que j’avais donné à ma famille. Je descends ma combinaison, reprend un peu mes esprits car généralement après la natation nous avons les jambes un peu cotonneuses et la tête qui tourne. C’est déjà une première victoire pour ma part.
Je commence à reprendre le sourire et je me dis « allez c’est parti pour 188km de vélo, du pur plaisir et tu vas doubler » car je vois bien que, s’il reste certes des vélos, le parc est vidé aux deux tiers. J’ai le sourire. Je mets mon maillot avec mon ravitaillement, mes chaussettes, mes chaussures, mon casque, je mange une demie barre et c’est parti. A peine sortie du parc où j’ai enfourché mon vélo, la foule est présente. Je recherche du regard où se trouvent mes parents et mes neveux. Dans ces moments-là, l’entourage est primordial pour donner de la confiance. J’arrive à les voir sur la droite. Ils m’encouragent et m’informent que je suis autour de la 40èmeplace chez les femmes et autour de la 600ème au scratch (en réalité : 47ème et 678ème) Je leur fais un sourire et c’est parti. Le parcours d’Embrun nous met tout de suite dans le bain avec les 7 premiers km qui grimpent et mettent dans l’allure. Voir environ seulement 15 de moyenne au bout de 30 minutes peut miner alors que l’on passe devant de panneau « arrivée 180 km ». Pour ma part je sais que la difficulté du parcours sera un avantage pour rattraper du monde car dans les montées, les secondes se gagnent et se perdent bien plus vite que sur le plat. Le parcours comporte une première boucle de 48km pour revenir près du plan d’eau avant de repartir pour une seconde de 140 km avec le fameux col d’Izoard. Je suis un peu euphorique, en danseuse, dressée sur les pédales et souvent à gauche de la route car je ne fais que de doubler. Sur mon compteur j’ai le capteur de puissance mais je ne veux pas me brider aux watts et je me gère à la sensation. Je me connais même si je sais aussi que je peux m’enflammer. Grâce à notre stage aux Orres je connais le parcours par cœur et cela m’aide forcément pour anticiper. Je double certaines filles avec qui j’ai discuté, je leur fais un petit sourire ou signe de la main. Je leur avais bien dis que le vélo était ma spécialité. Durant la première boucle, je suis régulièrement avec un triathlète que je double dans les côtes, qui me redouble dans les descentes, un chassé-croisé à distance car nous devons respecter une distance de 10 mètres minimum pour ne pas bénéficier de l’abri. Je reste focalisée sur mon effort même si cela m’amuse et j’ai envie de lui dire qu’on va faire tous le parcours vélo ensemble. Les arbitres surveillent et je vois notamment un carton sorti juste derrière moi. J’y prête une petite attention. Un athlète devait surement faire du drafting derrière moi. Pour ma part je fais très attention à cela en m’écartant bien quand je double. Je n’ai pas envie de perdre du temps sur une erreur comme celle-ci. De toute façon pour le moment je ne fais que de doubler comme je suis partie loin. La boucle de 48km arrive à son terme et je vois ma famille après le rond-point d’Embrun qui nous amène aux Balcons de la Durance et à la seconde boucle. Je suis déjà remontée à la 13ème place chez les féminines, me crie mon père qui suit le direct sur Internet. « Super mais j’en veux plus ! »
L’Izoard se projette au loin. Je n’oublie pas de me ravitailler aussi bien en boisson que niveau alimentaire. Barres énergétiques et pain au lait étaient au menu. L’approche de l’Izoard est faite de petites côtes et faux-plat, 40 km de transition vite avalés avant d’arriver au pied de ce monstre de la montagne. Je double toujours et j’arrive 10ème au pied du col. Pauline, Marc et Lois sont arrivés sur le parcours et sont également à fond derrière moi. Je le sens à leur voix. Ils regardent le direct et m’encouragent. 14 km à 7,2% après la vallée du Guil et un début de col assez facile. Je sais très bien qu’il faut en garder pour le final dans les derniers lacets avec une pente moyenne oscillant entre 8 et 11% avec en plus l’altitude. Un sommet bien au-delà des 2000 mètres. Au pied du col je sais que 2 filles sont une trentaine de secondes devant moi et je les double rapidement. Je me sens à l’aise sur mon vélo, sur mon terrain dans cette montagne. Je gère mon rythme en me concentrant sur mon effort seulement sans me mettre dans le rouge. Je double certains qui sont plus à la peine et certains m’encouragent quand je les passe. C’est ça le triathlon, des encouragements entre adversaires car le défi est avant tout personnel. Je réponds à chaque fois par un signe de la main. Je suis 8ème et encouragée comme jamais. Marco et Pauline d’un côté, mes parents et mes neveux de l’autres, se relaient pour me doubler puis aller plus haut me donner les écarts. Ils vibrent avec moi et sentent que je suis peut-être en train de réaliser un grand truc. J’ai le sourire, je ne peux pas être mieux soutenue, ils se donnent vraiment et grâce à eux je sais où je me trouve et je me pousse à me demander où est la suivante à chaque fille doublée. Je double Inès Van der Linden qui était 5ème. Nous échangeons quelques phrases. Elle me dit « ça y est tu es dans ton élément maintenant ». Je lui réponds « oui c’est bon j’ai fait le plus dur avec la natation ». Elle est avec son vélo de contre la montre, difficile dans ces pentes. Je n’ai pas pris cette option, qui ne paraissait pas être la meilleure vue le terrain. Ça y est je suis en haut de l’Izoard à 2360 m d’altitude. Au sommet, un ravitaillement personnel est prévu avec nos sacs que nous avions donné le matin même. 2 bidons, un Coca, un Snickers, mon péché mignon et des barres énergétiques étaient dans le sac. Une fois les poches remplies et le Coca avalé, je reprends la route. Mes parents et mes neveux sont là-haut. Je vois la fierté dans leurs yeux. Je prends les derniers encouragements et me jette dans la descente. Dans celle-ci que je connais depuis des années, je double la 4ème, me voilà au pied du podium. Mon objectif de top 5 commence à se construire mais un podium serait encore mieux. En bas de la descente je vois Pauline et Marco qui me disent que la 3èmese trouve à moins de 3 minutes donc c’est jouable. Même si le plus dur est passé, je sais qu’il reste encore quelques bosses dont le raidard de Champcella et la dernière côte finale dans Embrun sur 5 km. Survenait alors une frayeur qui aurait pu tout arrêter, un cycliste s’était invité dans l’évènement, il discutait avec un triathlète et ne regardait pas où il allait. En le doublant il fit un écart et on se toucha épaule contre épaule. Je prends peur car une chute est si vite arrivée surtout aussi bête que celle-ci et sans mon reflexe de me mettre contre son épaule la chute aurait été inévitable. Durant le contact je lui poussai un énorme cri de colère car il n’avait rien à faire là. Il se remit tout à droite et Marc et Pauline me dit qu’il avait bien compris son erreur. Je reprends alors mon avancée. Il commençait à vraiment faire de plus en plus chaud car nous arrivons en fin de matinée. Je ne voulais pas me déshydrater car je savais que cela serait préjudiciable pour le marathon. Je décidais de m’arrêter à un nouveau ravitaillement à 60km de l’arrivée vélo. Pauline et Marc me criaient « 1 minute », l’écart qui me séparait maintenant de la 3ème place. Elle était en vélo de contre la montre me disait Marc donc je savais que je ne pouvais pas lui reprendre du temps sur le plat mais que dans les côtes il faudrait que je joue mon va-tout. La fameuse côte de Champcella était le terrain de jeu idéal pour ça, 1,5 km à plus de 10% en ligne droite. Je ralentissais légèrement dans son approche, je voyais la 3ème juste devant car les 45 secondes ne représentaient qu’une faible distance sur une pente extrême, je la voyais lutter avec son vélo au loin. Je savais que dans cette côte il fallait que je fasse le forcing pour la doubler et mettre le plus d’écart possible afin qu’elle ne m’ait pas en visu pour la suite du parcours, chose que je réussissais à faire car en haut c’est moi qui comptais 45 secondes d’avance sur elle. Marc et Pauline m’indiquaient que j’avais 10 minutes de retard sur la 2èmealors je ne pensais qu’à consolider ma place sur le podium. Avant la dernière côte mon avance sur la hongroise oscillait entre 1minute et 1minute 30, une faible marge avant le marathon d’autant que je ne connaissais pas ses références en course à pied. Mes parents avaient pris le parti d’aller directement sur la zone de transition pour me voir au début de parcours pédestre et Marco et Pauline de finir la partie vélo pour que je sois suivie en permanence. A la moitié de la côte finale, j’avais une avance de 3 minutes 30, ça y est l’écart grimpait. Commençait-elle à craquer ? En tout cas je donnais le maximum pour terminer ma discipline avec le plus d’avance possible. En haut de la côte finale je m’arrête à une fontaine. Il ne restait certes plus que 7 km de descente mais je préférais perdre 30 secondes pour boire et me ravitailler que perdre 10 minutes en course à pied sur un coup de chaud. Je fais la descente prudemment entre les trous et les virages et surtout la fatigue qui font les réflexes moins présents. J’arrivais à la zone de transition et le speaker bien sur m’attendait et me cita. Au départ j’étais dans l’anonymat face aux professionnels de la discipline mais là pointant à la 3ème place et dans le top 50 avec les hommes, la curiosité et la ferveur étaient présentes. Je fais une bonne transition en pensant bien à boire à nouveau, mettre mes chaussures, ma casquette avec la chaleur et c’est parti pour un marathon.
A ce moment-là, je ne sais pas où se trouve la belge devant moi et la hongroise derrière moi. Une chose est sûre, la 1ère est intouchable avec une demi-heure d’avance. Carrie Lester, immense championne reste la spécialiste de l’Embrunman qu’elle a déjà gagné 3 fois ? et je dois encore progresser notamment en natation si je veux essayer de jouer un jour la gagne. Au marathon il y a 3 boucles de 13,500 km avec notamment une terrible bosse de 1500 mètres avec un passage au pied à 10% qui casse bien le rythme. La chaleur est étouffante et je sais qu’il faut que j’y fasse attention. Je prends l’option de m’arrêter à chaque ravitaillement pour juste boire, m’arroser. Je n’arrive plus à manger. Ça y est mon ventre n’arrive plus à tolérer le moindre aliment et surtout je n’arrive plus à mâcher car les forces s’amenuisent. Je prends donc des gels afin d’avoir un apport en sucre.
Je cours du mieux que je peux avec la force qui me reste. Le premier tour se passe très bien. On m’annonce même que j’ai repris beaucoup de temps à la belge devant qui avait déjà commencé à craquer dans la dernière côte du parcours vélo et qui souffre en course à pied. Je suis euphorique et commence à accélérer. Je bouillonne à l’intérieur, je vois et ressens que je fais quelque chose d’extraordinaire pour mon premier Ironman. Je me souviens que Kevin et d’autres m’avaient dit « essaye déjà de finir ton premier Ironman et tu verras ensuite » mais je suis en train de faire bien mieux. Quand une montagne se dresse devant moi, j’arrive à me surpasser. On m’annonce 30 secondes de retard. J’envisage alors la deuxième place alors que je partais pour essayer de tenir ma place sur le podium mais dans un Ironman tout peut se passer car si la fille devant moi est entrain de craquer, vais-je moi-même tenir ce marathon ? Je ne le sais même pas moi-même. J’ai de bonnes sensations et je vois que je suis à un rythme de 5 minutes au kilomètre, soit 12 km/h, sur les bases de 3h30, ce qui avec la fatigue et sur ce parcours une belle performance, dans la fourchette haute de ce qui était espéré, entre 3h25 et 3h45, et pour le moment j’arrive à bien passer la bosse. Le travail cumuler ces dernières semaines payent.
Mais ce qui me marque le plus, ce sont les encouragements sur le circuit. J’entends des « Allez Marion » tout le long du parcours. Je suis littéralement portée par le public et cela me donne des frissons. Est-ce parce que je suis la première française que je suis ainsi encouragée ? Ou la foule est-il si fervent avec tout le monde ? J’ai envie de remercier chaque personne car cela me pousse à ne pas lâcher et à me donner encore plus. Je n’avais jamais vécu cela dans une course cycliste, même sur les championnats d’Europe et coupes du monde auxquels j’avais participé. Être ainsi encouragée toute la course avec mon nom me portait encore plus. Ma famille et mes amis sont toujours là à mes côtés, ils entrevoient l’exploit et me portent également. Mon cœur vibre comme jamais. Je ne stresse pas par l’enjeu du podium comme je l’ai souvent vécu sur les championnats de France. Je suis actrice de ma propre performance et je me bats qu’avec moi-même. Pas de tactique, cogitation ou peur. Oui il y a l’adversité avec les autres femmes et chacune donne le meilleur d’elle-même mais personne ne bénéficie du travail de l’autre et quoi qu’il arrive le réservoir sera bel et bien vide une fois la ligne franchie, sans regrets, sans frustration.
J’attends à chaque fois mon passage devant mes proches pour prendre leur force dans leur regard. Le premier des trois tours est clôturé mais l’écart reste à 30 secondes avec la belge donc je ne reprends rien, et quand on me dit « t’es à 30 secondes, t’es pas loin », je me dis dans ma tête « oui mais ça fait 13km que je ne suis pas loin », je me focalise d’abord sur cette 3èmeplace à conserver et c’est loin d’être acquis d’autant que la 4ème m’a déjà repris une minute. A mi-parcours, j’aperçois au loin la belge. Je la vois penchée et à la peine. Cela me donne un regain de force car je suis le chasseur et je veux aller la chercher. Je me rapproche rapidement d’elle. Elle est littéralement en train de craquer. Il fait très chaud, plus de 40 degrés et j’essaie de m’asperger au mieux à chaque ravitaillement. La chaleur est vraiment terrible surtout après 10 heures d’effort. Je vois certains athlètes en train de marcher, vomir ou allonger incapable de poursuivre l’effort. Dans ces moments il y a cette petite voix qui te dis de faire pareil avec laquelle il faut lutter sans cesse pour repousser ces limites.
Lorsque j’arrive à la hauteur de la Belge, j’accélère comme nous le faisons sur le vélo afin d’écœurer l’autre et lui mettre un coup au moral pour qu’elle ne me suive pas. Ça y est, je suis deuxième. C’est énorme. Mais derrière la hongroise ne lâche rien et à l’entame du dernier tour elle n’est plus qu’à 3 minutes de moi. Marc court à mes côtés quelques mètres pour me donner les écarts et me pousser à aller de l’avant. Je voyais leurs yeux briller. Ils vibraient à mes côtés.
Je vois également les caméramen me filmer en train de courir, notamment au moment de doubler la 2ème, je serai dans le reportage de 2021 ! Moi qui avais regardé tous les reportages depuis 2016 sur Embrun, cette fois-ci je ferai partie de l’histoire. Je l’avais espéré secrètement mais là j’étais en train de le réaliser. Mes émotions à ce moment-là sont indescriptibles, les plus fortes de ma vie sportive à l’heure actuelle et je peux les partager tant avec mon entourage qu’avec le public.
Je commence à être dans le dur, je le sens et il reste plus d’une heure d’effort. Je n’ai plus la fraicheur du début et j’ai peur qu’elle revienne sur moi et dis à Marco que ça va être juste. Je cherche et trouve le réconfort dans le regard et leur mots positives. J’en ai besoin. L’entourage dans ces efforts et toujours primordial et nous puisons une partie d’énergie par leur biais. Mon père suit le pas plus loin en faisant également quelques mètres avec moi pour m’encourager. C’est parti pour les 13 derniers kilomètres. Les pas sont plus heurtés, j’ai du mal à relancer et je sens ma foulée beaucoup plus lourde. Il faut dire qu’on n’a pas dépassé les 30 km de course à pied à l’entraînement et que je n’ai que le marathon improvisé avec Vincent comme expérience. Dans la côte je m’oblige à ne pas marcher mais j’ai l’impression de ne pas aller plus vite… Je m’encourage et là le mental prend encore plus sa place. Je repense à ce rêve de participer à Embrun, aux étapes de ma vie et surtout à ces deux dernières années, à mon entourage, d’où je reviens, ce par quoi je suis passée, à la chance de pouvoir partager ce moment avec mes parents et mes neveux c’est exceptionnel avec en plus Marc et Pauline qui sont venus spécialement pour m’encourager et qui sont vraiment à bloc derrière moi ainsi qu’a tous mes amis qui sont derrière l’ecran entrain de vibrer également et de faire vivre la course sur ma page athlète. C’est magique. Je n’avais jamais vécu de telles émotions. Je décide de ne pas m’arrêter au dernier ravitaillement car je sens le souffle de la hongroise revenir derrière moi. Je sens aussi la fringale qui commence à arriver mais il ne reste que 2 kilomètres. Même si je connais le parcours par cœur je n’arrête pas de regarder ma montre pour voir à combien de kilomètres j’en suis car je trouve qu’ils défilent lentement. J’entrevois enfin la dernière ligne droite. Je l’imaginais depuis plusieurs kilomètres, la franchir et pouvoir m’effondrer. L’émotion me submerge. J’ai les larmes aux yeux, je l’ai fait et en plus je termine 2ème ! C’est merveilleux ! Même dans mes rêves les plus fous je ne l’avais pas imaginé. Je franchis la ligne épuisée mais plus qu’heureuse, je n’arrive même pas à décrire mes émotions. Je m’effondre juste après sur la tribune juste pour reprendre mon souffle puis le speaker m’interroge. Dans le monde du triathlon je suis une inconnue et je viens de rentrer par la grande porte. L’Embrunman est un mythe. Je suis fière. Je vois l’émotion dans mon entourage, Pauline s’est mise à pleurer, mes parents ont les yeux qui brillent, Marco également.
Malgré les barrières pour la Covid qui gâchent un peu cette fête nous venons de vivre un moment merveilleux et unique qui reste le plus grand moment d’émotion de mes 29 premières années. Pas beaucoup de temps pour souffler puisqu’un contrôle antidopage est prévu. Je suis heureuse et me dis que ça fera taire les mauvaises langues, qu’il n’y aura aucun doute. Ce sera d’ailleurs mon troisième contrôle en deux mois, après deux hors compétition, l’un chez moi et l’un à l’Alpe d’Huez.
Quand j’allume mon téléphone je m’aperçois que beaucoup d’amis ont vibré sur le direct à mes côtes. Vincent et Merryl ont tenu mes suiveurs informés sur ma page athlète de mes avancées et beaucoup suivaient le résultat avec enthousiasme. Je reçois des centaines de messages, des appels également de journaliste. Je remarque que faire 2èmede l’Embrunman apporte une ferveur populaire que je n’avais jamais connu avec le cyclisme. Je savoure chaque minute et nous pouvons clôturer cette superbe journée du 15 aout 2021 autour d’une pizza avec le sentiment accompli ce qui est assez rare chez moi.
Je suis tombée littéralement amoureuse de cette course. Rendez-vous le 15 aout 2024 ou je viendrais avec l’envie de gagner !